Préparons le déconfinement,
gardons un peu de distance avec nous-même.

Ce confinement (Qui va bientôt être confiné dans notre passé et pour de bon je l'espère) se prête à toutes les attentions de langage qui habituellement se laissent porter par la contamination de l'habitude. Et si nous profitions de notre situation de mise l'écart social pour "prendre un peu distance" avec le virus tant redouté.

J'ai dit "prendre un peu de distance", c'est-à-dire oublier un instant que nous sommes soumis au risque de contamination chaque fois que nous croisons quelqu'un dans la rue. Oui, prendre un peu de distance, s'éloigner de cette obsession du moment qui consiste à voir le mal sanitaire tout autour de nous. Disons qu'il ne nous faudrait pas oublier que les distances physiques et psychologiques avec notre environnement n'ont pas attendu le méchant virus pour instiller en nous un réflexe de plus en plus répandu dans nos sociétés individualisées et soumises au règne de l'affirmation de soi et de bien-être personnel.

Redessiner des distances avec nos voisins, reprendre ses marques afin de ne pas devenir trop dépendants des marqueurs sociaux, voilà des nouvelles pratiques que nous connaissons bien depuis les années d'émancipation et de liberté ouvertes depuis les années 50 et leur frénésie consumériste. Je le constate tous les jours un peu plus, chacun de nous est bien délimité dans son carré de terrain ou son espace urbain. Hier, au fond de mon jardin ,j'ai découvert un panneau sur lequel figure un écrit qui grave dans le marbre ce que je viens de vous dire. La loi implicite est de ne pas dépasser les limites, au risque de se voir rappeler à l'ordre de la stricte propriété privée.

Cela fait longtemps que la distanciation des relations nous isole et nous impose de ne pas outrepasser le quant à soi spatial et temporel de la vie en commun. Ouvrir sa porte, accueillir l'autre en toute simplicité, improviser une visite chez notre plus proche voisin, lui demander conseil ou un outil, n'est pas la chose la plus aisée tellement nous avons pris l'habitude d'être séparé et finalement isolé derrière nos haies. Certes, le confinement s'est prêté de bonne grâce aux discussions avec les voisins et les passants, mais nul n'imaginerait un seul instant partager l'usage de la tondeuse à gazon ou du motoculteur avec ces derniers.

Nous devons respecter les "mesures barrières" (les bien-nommées d'ailleurs) et je suis le premier à être strict sur le sujet. Mais la question qui me taraude est celle de savoir si nous serions prêts à prendre un peu de distance avec nous-même. Je l'espère, en tout cas, mes modestes billets, tous les jours, sont une tentative de prise de distance créatrice avec les événements.

Prenez soin de vous et surtout respectez les distances qui vous séparent de l'image que vous vous faites de vous. La rencontre bienfaitrice des autres nous permet de déconfiner notre identité pour la rendre toujours plus ouverte à l'altérité.

MM